Eugene Thacker : « Le suicide, c’est de l’optimisme »
Publié dans le magazine Books n° 112, novembre 2020. Par Baptiste Touverey.
S’il est préférable de ne pas exister, à quoi bon prendre la peine de réfléchir au non-sens de la vie ? Réponse d’un philosophe pessimiste pour qui la pensée doit explorer ses limites, quitte à se heurter à sa propre inanité.
Eugene Thacker : « Pour moi, c’est une blague qui rend le mieux compte du pessimisme : “Je vois le verre à moitié plein, mais de poison”. »
Que pensez-vous de l’idée de Leibniz selon laquelle nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ?
Je n’y pense pas. La vie est déjà assez difficile comme ça.
Diriez-vous de vous-même que vous êtes un pessimiste ?
Dans mes bons jours, oui.
On définit souvent le pessimisme comme l’idée qu’il est préférable de ne pas exister que d’exister. Cette définition vous convient-elle ?
Pour moi, c’est une blague qui rend le mieux compte du pessimisme : « Je vois le verre à moitié plein, mais de poison. » Plus sérieusement, je ne conçois pas le pessimisme en termes de définitions, de doctrines, d’école de pensée ni même de philosophie viable. C’est un mode de pensée traversé par l’incertitude et par le doute, un sentiment de distanciation, ou, si l’on préfère, cette impression de ne pas saisir ce que tout le monde a l’air...