Espionne et mère de famille
Publié le 20 octobre 2020. Par Pauline Toulet.
« Ouvrir un livre de Ben Macintyre, c’est l’assurance de s’embarquer pour une virée palpitante », jubile Julian Glover dans le quotidien londonien Evening Standard. De fait, Macintyre est connu pour ses best-sellers sur le monde du renseignement qui allient la précision historique au rythme haletant du roman d’espionnage. Après le succès d’Opération Mincemeat (Éditions Ixelles, 2011) et de L’Espion et le traître (Pocket, 2020), l’écrivain britannique revient avec un nouvel opus, Agent Sonya. « Macintyre s’aventure ici en terra incognita », signale Craig Brown dans le Daily Mail. Pour la première fois, en effet, l’auteur centre son récit sur un personnage féminin.
Ursula Kuczynski a tout d’une héroïne de John le Carré, à ceci près qu’elle a réellement existé. Née à Berlin en 1907, cette militante communiste est recrutée par les services secrets soviétiques à Shanghai, où elle a émigré avec son premier mari. C’est un certain Richard Sorge – « l’espion le plus formidable de tous les temps », selon Ian Fleming – qui vient la tirer de l’ennui des soirées entre expatriés. Dans Agent Sonya, Macintyre retrace le destin hors normes de cette femme qui, le jour, s’occupait de ses trois enfants en mère de famille modèle et, la nuit, envoyait des rapports confidentiels à Moscou.
Kuczynski se voit d’abord confier des missions modestes – cacher des armes chez elle ou transmettre des informations par radio –, puis sa carrière décolle. On l’envoie en Pologne, puis en Suisse, où elle coordonne un réseau d’espions soviétiques. En 1941, elle s’installe en Angleterre et réalise le plus beau coup de sa carrière, raconte Macintyre. Pendant plusieurs années, après avoir déposé ses enfants à l’école, elle aide le physicien et espion Klaus Fuchs à transmettre à l’URSS des informations décisives sur les essais atomiques anglo-américains. Ces renseignements permettront aux Soviétiques de se doter de l’arme nucléaire en 1949.
« Même si Agent Sonya est un livre extrêmement précis et bien documenté, le style enlevé de Macintyre lui donne un souffle romanesque », apprécie Craig Brown. Son enthousiasme est partagé par l’historien britannique Richard Davenport-Hines : « Macintyre n’a jamais écrit un seul paragraphe insipide ou ennuyeux, mais dans Agent Sonya il pousse à leur paroxysme deux qualités essentielles de l’historien : la pertinence et l’impartialité. Il ne fait jamais étalage de sa culture et ne verse ni dans le sensationnalisme facile, ni dans le patriotisme braillard », souligne-t-il dans The Times. Pour lui, c’est bien simple, Agent Sonya est « le meilleur livre de Macintyre ».
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