Insolences
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Deux cents ans de peur dans votre assiette


US National Archives and Records Administration

L’Organisation mondiale de la santé a classé la consommation de viande rouge comme « probablement cancérogène pour l’homme ». Celle de produits transformés tels que la charcuterie est qualifiée de « cancérogène » tout court. Plus de viande rouge, plus de saucisses, mais plus non plus, si l’on écoute d’autres recommandations, de sucre, de poissons gras (mercure), de farine blanche (gluten), de fraises (pesticides)… Pas facile de manger avec toutes ces menaces, réelles ou imaginaires. Et cela dure depuis 200 ans, rappelle l’historien Harvey Levenstein dans Fear of Food.

Dès 1800, la peur règne sur les assiettes américaines. Au début, les coupables sont les « germes ». Apportés, pensait-on, par les mouches et les animaux domestiques, ils ont « perverti » la nourriture jusque dans les années 1940. La peur du « mauvais lait » a fait chuter la consommation avant la généralisation de la pasteurisation. Après quoi le breuvage sera ensuite présenté comme nécessaire à une bonne santé. Ce genre de va-et-vient a touché de nombreux aliments et additifs, des vitamines au sucre en passant par le beurre. Diabolisé dans les années 1970, celui-ci a été supplanté par la margarine, avant qu’elle soit honnie à son tour. Même les fruits et légumes frais n’ont pas échappé aux revirements. Jusqu’à la découverte des vitamines, ils étaient considérés comme à peine plus intéressants que de l’eau.

A ces grandes tendances, s’ajoutent des frayeurs ponctuelles. En 2006, aux Etats-Unis, la découverte de la bactérie E. Coli dans des sachets d’épinards a entraîné l’effondrement des ventes dudit légume. « Pendant ce temps, des millions de kilos de bœuf sont rappelés tous les ans pour la même raison sans effet notoire sur la consommation, s’indigne Adam McDowell dans le National Post. Les Américains aiment le bœuf et un petit risque ne va pas les en dégoûter. »

LE LIVRE
LE LIVRE

Fear of Food : A History of Why We Worry About What We Eat. de Harvey Levenstein, The University of Chicago Press, 2012

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