Publié dans le magazine Books n° 17, novembre 2010. Par Richard Wolin.
Badiou et Finkielkraut s’affrontent à fleurets mouchetés. L’un est encore communiste, l’autre toujours conservateur. Mais beaucoup de choses les rapprochent : le souci de l’identité française, la critique de la démocratie et le caractère obsolète de leurs visions.
Qu’est-ce qu’être Français ? Il n’y a pas si longtemps, la réponse à cette question dépendait généralement d’un ensemble de paramètres connus. Pour la gauche, il s’agissait de raviver l’héritage de 1789. La Révolution, comme Clemenceau l’avait décrété, devait être envisagée comme un « bloc ». Il craignait à juste titre que, si l’on étudiait de trop près ses différentes phases, on laissât la porte ouverte au doute, jetant le discrédit sur la tradition républicaine en général. De toute évidence, comme Raymond Aron l’a fait remarquer dans les années 1950, la gauche française, depuis ses débuts lors de l’été 1789, n’a jamais vraiment formé un « bloc » ; elle n’a jamais été entièrement unifiée : la rivalité sanguinaire entre les Girondins et les Jacobins l’avait déjà démontré en 1793-1794. À bien des égards, cette légendaire inimitié politique a donné le ton du conflit qui allait opposer durablement la gauche révolutionnaire et la gauche républicaine au cours des deux siècles suivants.
La destitution de l’intellectuel
Depuis 1789, la...