Publié dans le magazine Books n° 95, mars 2019.
De 1990 à 2014, Derf Backderf a croqué dans la presse alternative américaine de petites scènes auxquelles il a assisté dans la rue ou dans les commerces de sa ville, Cleveland. Portrait féroce et tendre du beauf d’outre-Atlantique.
The Village Voice a mis la clé sous la porte l’été dernier. Avec la disparition de cet indispensable accessoire de la vie new-yorkaise, c’est tout une époque qui s’achève, celle des
alt weeklies. Ces « hebdos alternatifs », diffusés gratuitement et imprimés sur papier journal, conjuguaient enquêtes fouillées, chroniques incisives, critiques rock, nouveau journalisme et bande dessinée underground. Chaque grande ville des États-Unis avait le sien.
C’est dans ce genre de publications que Derf Backderf a fait l’essentiel de sa carrière de dessinateur. En mai 1990, le principal alt weekly de sa ville, le
Cleveland Edition, l’embauche pour réaliser un strip hebdomadaire, qu’il intitule tout bonnement « The City ». Il se souvient de sa première publication comme du plus grand moment de sa vie professionnelle : « Cela a tout changé pour moi. Je suis entré dans le café à côté de l’Edition et il y avait une pile d’exemplaires avec mon strip dedans. Je suis resté un moment à regarder les gens ouvrir le journal, lire mon strip et glousser », confiait-il en 2013 au journaliste Jeff Pearlman.
Au début, rappelle Derf Backderf...