Le mot
Temps de lecture 1 min

Démagogue


Le discours funèbre de Périclès, Philipp Foltz

Rodrigo Duterte a promis d’oublier les droits de l’homme, menacé de mort tous les criminels, insulté le pape et regretté de n’avoir pas été le premier à profiter d’une victime de viol particulièrement belle. Et il a été, lundi, élu président des Philippines. Par ses outrances et ses promesses, il a réussi à avoir l’oreille du peuple. Rodrigo Duterte n’est pas pour autant un démagogue, en tout cas pas au sens originel. Dans « la démagogie grecque », Frédérique Tabaki rappelle qu’avant de se muer en hurleurs populistes, les « démagogues » de la Grèce antique étaient des « citoyens distingués parmi les autres et exerçaient en tant que conseillers du peuple ». Le mot qui signifie étymologiquement « celui qui conduit le peuple » n’avait encore rien de péjoratif. Au contraire. Ces orateurs talentueux (Miltiade, Thémistocle, Aristide…), s’opposaient à l’aristocratie pour le bien des plus humbles et de la cité entière.

Mais tout change après la mort de Périclès. Les hommes politiques cultivés sont remplacés par des hâbleurs prêts à tout pour gagner les faveurs de l’opinion. Dans son Histoire, Thucydide écrit : « Avec Périclès, sous le nom de démocratie, c’était en fait le premier des citoyens qui gouvernait. Au contraire, les hommes qui suivirent, plus égaux entre eux, aspiraient chacun à cette première place : ils cherchèrent donc le plaisir du peuple dont ils firent dépendre la conduite même des affaires publiques. » Mais ce que le peuple donne, il le reprend aussi. Aristote explique ainsi, dans la Constitution d’Athènes, que Callicrates et Cléophon, portés au pouvoir par la foule, furent aussi condamnés à mort par cette masse furieuse de s’être laissée tromper. Le peuple est lui-même le remède à la démagogie, et la loi est le meilleur rempart contre elle, ajoute le philosophe. « Dans les Etats démocratiques gouvernés selon la loi, on ne voit pas apparaître le démagogue ; ce sont les citoyens les meilleurs qui dirigent les affaires. Au contraire, là où le pouvoir suprême n’appartient pas aux lois apparaissent les démagogues. Car le peuple devient monarque, un monarque composé d’une multitude. » Le philosophe trouve aujourd’hui un étonnant écho chez le politologue américain Michael Signer, dans Demagogue : c’est « la conscience constitutionnelle » du peuple, son attachement aux lois fondamentales qui garantit selon lui l’intégrité de la démocratie.

 

 

 

 

 

LE LIVRE
LE LIVRE

Constitution d’Athènes de Aristote, Les Belles Lettres, 2003

SUR LE MÊME THÈME

Le mot Syndicat
Le mot Glamour
Le mot Précarité

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Chronique

Feu sur la bêtise !

par Cécile Guilbert

Voir le sommaire