Degas par lui-même
Publié dans le magazine Books n° 121, septembre-octobre 2022. Par Jean-Louis de Montesquiou.
Edgar Degas n’était pas davantage l’érotomane misogyne que le patricien privilégié de la légende. La publication aux États-Unis de sa correspondance, dans une monumentale édition bilingue, permet de découvrir l’homme derrière l’artiste.
Edgar Degas était-il un vieux pervers ne peignant que des prostituées, des baigneuses dénudées et ces jeunes personnes aussi légères de corps que de mœurs, les danseuses ? Ou bien était-il un grand bourgeois limite aristo qu’un vif sentiment de culpabilité sociale incitait à focaliser son talent sur la classe des travailleurs ? Ces questions et bien d’autres semblent tarauder le monde anglo-saxon de l’art, à en juger par l’impressionnante quantité d’ouvrages en anglais consacrés au plus mystérieux des impressionnistes 1. Peut-être parce que Degas a passé quelques mois à La Nouvelle-Orléans. À moins que ce ne soit parce qu’il incarne les débuts de l’impressionnisme, auquel les Américains portent un vif intérêt, et les à-côtés de la (pas si) Belle Époque… Quoi qu’il en soit, la récente publication d’une édition bilingue de 1 240 lettres écrites par Degas dans les années 1850 et 1860 va permettre d’assouvir (partiellement) la curiosité des uns et des autres. Ce luxueux ouvrage bardé d’annotations, qui a coûté vingt ans de travail au...