Publié dans le magazine Books n° 60, décembre 2014. Par Jan Puhl.
Peut-on souffrir de stress post-traumatique en vivant une existence tranquille de traductrice dans Varsovie en paix ? Simplement parce que l’on forme un couple fusionnel avec un reporter de guerre ? C’est l’histoire bouleversante de Grazyna Jagielska.
La tuerie est finie pour Wojtek Jagielski. Mais, dans la tête de sa femme Grazyna, elle continue. Tous ceux que son époux, le reporter de guerre le plus célèbre de Pologne, a rencontrés au cours des vingt dernières années, à l’occasion de cinquante-trois guerres et conflits – en Afghanistan, en Tchétchénie, en Afrique du Sud, en Sierra Leone ou au Liberia – y mènent encore leur propre vie. Voici Samuel, l’enfant soldat d’Ouganda qui a dû massacrer sa famille à la machette. Et là, c’est Taïa, la belle Tchétchène violée des jours durant par des soldats russes, sous les yeux de sa fille. Et puis Merab, qu’un obus a décapité alors que Wojtek se trouvait à ses côtés : dans les rêves de Grazyna Jagielska, la tête de Merab roule le long de la rue, en col de chemise, quand soudain elle prend un visage, celui de son époux.
Cette femme n’a jamais rencontré ces personnes, n’a rien vécu de ces expériences, mais les cauchemars reviennent presque chaque nuit : des fusillades, des cadavres, des ruines, des viols. Et souvent,...