Cuba : des réformes au goût de sucre
Publié le 2 juillet 2015. Par Carmelo Mesa-Lago et Jorge Pérez-López.
Scelleront-ils leur réconciliation avec une petite douceur sucrée ? Barack Obama et Raul Castro ont officialisé le rétablissement des relations diplomatiques entre leurs deux pays. Cette décision entérine la dernière période de réformes cubaines décrite par l’économiste Carmelo Mesa-Lago. Dans Cuba under Raul Castro, ce professeur émérite de l’université de Pittsburgh et son collègue Jorge Pérez-López examinent les cycles qui ont dominé l’économie cubaine depuis le début la révolution. L’industrie sucrière est un miroir assez fidèle du mouvement de va-et-vient entre l’idéalisme communiste et un pragmatisme teinté d’économie de marché. A partir de 1959, tous les quatre à cinq ans en moyenne, l’économie cubaine effectue un virage, voire un demi-tour.
Jusqu’en 1970, le communisme et le guévarisme président aux destinées économiques de Cuba. La production de sucre, considérée comme un facteur de sous-développement, est d’abord négligée avant d’être mise sous perfusion et même financée au détriment d’autres pans de l’économie. A partir des années 1970, les premières réformes pragmatiques sont mises en place. Les subventions russes permettent des productions sucrières record et stables, un niveau maintenu pendant le cycle idéaliste suivant (1986-1990). Fidel Castro vise alors l’autosuffisance. Les « mesures spéciales en temps de paix » adoptées, à partir du début des années 1990, avec des réformes favorables au marché, sonnent le glas du maintien artificiel des prix du sucre. Le secteur est abandonné à lui-même. Une étape supplémentaire sera franchie avec le nouveau cycle pragmatiste entamé en 2006, sous l’influence de Raul Castro, quand l’industrie sucrière est soumise à des impératifs de rentabilité : 45 % des raffineries sont fermées, 60 % des plantations se reconvertissent et 100 000 personnes sont licenciées.
Selon Carmelo Mesa-Lago et Jorge Pérez-López, ces allers-retours incessants entre collectivisme pur et dur et petites ouvertures à l’économie de marché sont moins liés à l’environnement économique qu’à la logique politique du régime, guidée par la peur de Fidel Castro de perdre le pouvoir.