Critique sérielle de Pierre Boulez
Publié dans le magazine Books n° 113, mai 2021.
Personne n’oserait remettre en question le génie du compositeur et chef d’orchestre français. Mais les Anglo-Saxons s’interrogent tout de même sur son dogmatisme théorique et son étroitesse d’esprit.
Pierre Boulez, en 2005. Pour le compositeur Matthew Aucoin, sa musique est brûlante, brutale et pique comme un scorpion acculé.
Pierre Boulez était un monument – un monument international. Sa mort en 2016, à Baden-Baden, provoqua un tsunami de nécrologies dithyrambiques dans toutes les langues. Comme chef d’orchestre, on le vénérait – son exigence (jusqu’à vingt-cinq répétitions pour un concert), son oreille infaillible, sa façon de déconstruire une œuvre pour la restituer sous une forme nouvelle, son intransigeance qui lui faisait stopper net l’orchestre à la plus petite erreur du moindre instrumentiste (« Vous, là-bas… »). Les musiciens de la planète entière tremblaient sous sa baguette (façon de parler : il dirigeait sans). Les auditeurs se pâmaient. « Il a complètement transformé la sonorité du piano », disait Olivier Messiaen, son maître.
Comme compositeur, en revanche, il inspirait moins l’enthousiasme que la crainte révérencieuse. « Pour ce qui est de sa musique, écrivait dans The New York Times John Adams, compositeur célèbre lui aussi, je n’ai jamais pu faire mieux que la respecter sans l’aimer. »
On admire toujours autant aujourd’hui sa créativité, sa rigueur, sa productivité quasi...