Beckett par lui-même
Publié dans le magazine Books n° 30, mars 2012.
« Godot, je ne sais même pas s’il existe », disait-il. La correspondance du prix Nobel irlandais révèle un personnage inattendu et un épistolier de premier ordre, mais ne dissipe pas le mystère de son œuvre.
Étonnant Beckett ! Ce chantre du silence et de l’impossibilité de l’échange était un grand communicant : il a laissé plus de 15 000 missives. Voici la publication anglaise du deuxième volume de sa correspondance : au moins 600 lettres, recélant quelques joyaux de concision amère (« Où ai-je fourré mes larmes ? ») et un bon lot de paradoxes. À commencer par celui-ci : à partir de 1945, l’Irlandais n’utilisera plus que le français, pour son œuvre comme pour la plupart de ses lettres. Pourquoi ce choix d’une langue qu’il maîtrise, mais à sa façon, et qu’il juge « sans style » ? « Plusieurs raisons urgentes, explique-t-il à l’un de ses traducteurs, mais j’aime mieux les laisser dans l’ombre. Je vous donnerai quand même une piste : le besoin d’être mal armé. » Sans doute faut-il comprendre qu’il est motivé par la difficulté d’expression même, car elle conduit à l&...