Alois Miedl, spoliateur en chef
Publié en juillet 2020. Par Pauline Toulet.
« J’ai l’intention de piller, et de piller largement », déclare Hermann Göring lors d’une conférence le 6 août 1942 à Berlin. Sous sa houlette, près de cinq millions d’œuvres d’art seront spoliées par les nazis entre 1933 et 1945. Une bonne partie d’entre elles sont confisquées à des juifs, d’autres acquises pour une bouchée de pain dans les territoires conquis. Quelque 100 000 œuvres d’art seront ainsi soutirées en France, 30 000 aux Pays-Bas et 20 000 en Belgique, avance l’historien espagnol Miguel Martorell dans El expolio nazi.
Marchand d'art du IIIe Reich
Il s’agit d’une « enquête spectaculaire qui nous plonge dans un réseau enchevêtré de contrebandiers, de marchands d’art, de galeristes, de directeurs de musées, de fonctionnaires, de militaires et de diplomates », note David Barreira dans le quotidien en ligne El Español. Parmi ces personnages, le banquier allemand Alois Miedl, dont les tribulations servent de fil conducteur au livre. En 1937, voyant l’avidité avec laquelle les dignitaires nazis entendent s’approprier les joyaux de la peinture européenne, Miedl se reconvertit en marchand d’art. Très vite, il devient le plus important fournisseur de Göring et sillonne l’Europe à la recherche de trésors à barboter pour le compte du chef de la Luftwaffe.
« La vie de Miedl offre une perspective complexe sur une période qui l’était tout autant. En tant que courtier de Göring, il faisait partie de la machine de spoliation nazie. Il dépouillait les juifs, mais son épouse était juive, et il finit par fuir le IIIe Reich », raconte l’auteur dans le mensuel Letras Libres. En 1944, Miedl se réfugie en Espagne en emportant avec lui des dizaines de toiles de maîtres (Van Dyck, Corot, David…) qu’il compte revendre sur place, profitant de la complaisance des autorités franquistes.
Complicité espagnole
L’Espagne de Franco ne rompra ses relations diplomatiques avec l’Allemagne nazie que le 5 mai 1945, soit trois jours avant la capitulation, rappelle l’historien. Pendant de longues années, « des marchands d'art véreux du IIIe Reich ont déambulé librement en Espagne, avec la complicité de la dictature de Franco. Au point que dans plusieurs galeries du pays, on pouvait trouver des peintures provenant du pillage », s’indigne Javier Velasco Oliaga dans la revue en ligne Todo Literatura.
À lire aussi dans Books : L’homme qui faisait des Vermeer, janvier-février 2009.