À l’origine des religions
Publié dans le magazine Books n° 29, février 2012.
Le sociologue Robert Bellah est une sommité aux yeux de ses confrères américains. Notamment pour avoir souligné la dimension spirituelle de la vie politique en forgeant dans les années 1960 le concept de « religion civile américaine », sorte de foi générique capable de rassembler les citoyens par-delà leurs différences confessionnelles. À 85 ans, ce retraité de Harvard et de Berkeley s’attaque à la question qui l’a taraudé toute sa carrière : comment et pourquoi les religions sont-elles nées ?
Le sociologue Robert Bellah est une sommité aux yeux de ses confrères américains. Notamment pour avoir souligné la dimension spirituelle de la vie politique en forgeant dans les années 1960 le concept de « religion civile américaine », sorte de foi générique capable de rassembler les citoyens par-delà leurs différences confessionnelles. À 85 ans, ce retraité de Harvard et de Berkeley s’attaque à la question qui l’a taraudé toute sa carrière : comment et pourquoi les religions sont-elles nées ? Il s’appuie pour y répondre sur des monceaux de données historiques et « des centaines de travaux récents, allant de la physique théorique à la biologie de l’évolution », constate Peter Manseau dans BookForum. L’ère étudiée va du big bang à « la période axiale » identifiée par le philosophe Karl Jaspers, « les 500 années précédant la naissance du Christ qui ont vu l’essor de quatre grandes civilisations religieuses : l’Israël antique, la Grèce classique, la Chine confucéenne et l’Inde bouddhiste », explique le philosophe Alan Wolfe dans le New York Times. Pourquoi cette quasi-simultanéité ? Une cause unique explique-t-elle l’apparition du phénomène religieux ?
Le jeu, répond Bellah, et c’est la thèse la plus surprenante du livre : l’ensemble des activités non nécessaires à la survie sont à l’origine du culte. « Le jeu a engendré le rite, qui a engendré la religion, résume Manseau. Ou, si on élargit le propos : la récréation précède et nourrit l’imagination, et la civilisation procède de cette capacité à imaginer – à s’interroger, à planifier, à élaborer des stratégies. Le jeu change de forme à mesure que ses règles deviennent codifiées. Alors, il ressemble de plus en plus au rituel et à la religion telle que nous la connaissons. » Wolfe s’incline devant une somme « magistrale », mais ce spécialiste du fait religieux ne peut s’empêcher de regretter que Bellah donne tant de place « aux sciences cognitives, à la psychologie évolutionniste et autres disciplines qui font souvent peu de cas de l’autonomie humaine ».