Publié dans le magazine Books n° 101, octobre 2019. Par Thierry Grillet.
Bruce Springsteen est l’un des rares rockeurs à avoir connu le succès tout en cherchant à en comprendre les tenants et les aboutissants. Dans son autobiographie, il s’interroge : comment devient-on une star du rock ? Par quelle force faut-il être habité ? Et peut-on influer sur le cours de l’histoire ?
© Globe Photos/MediaPunch/Dalle
« C’est dans les rues de ma ville natale qu’est née ma passion. » En 1980, Springsteen se fait photographier à Asbury Park, à deux pas de là, pour la pochette de son single Hungry Heart.
Il y a une scène frappante dans
Born to Run, l’autobiographie de Bruce Springsteen. Le rockeur vient de sortir, à l’été 1975, l’album qui va le rendre célèbre. Le Boss (surnom qu’il n’aime pas) est au plus haut. Le titre
Born to Run habite les listes des meilleures ventes, aux États-Unis comme en Europe. Premier concert à Londres, au Hammersmith Odeon. La Mecque pour le jeune Bruce, biberonné aux deux sources de la religion rock de son temps : Bob Dylan et les Beatles.
Springsteen est un mécano expérimenté des concerts de bar, il a également régalé les étudiants sur les campus. La scène, c’est son biotope. Mais, ce soir, avec son groupe, le E Street Band, Bruce doit vraiment lâcher les chevaux ! Or là, son « double maléfique », comme il le nomme, l’empêche d’être à son ouvrage. « En moi, de multiples personnalités se débattent pour se succéder au micro. J’ai du mal à atteindre le point où je me dirai : “Rien à foutre”, cet espace magnifique et nécessaire où tu mets le feu à ton sentiment d’insécurité, où...