L’importance de la lettre
Publié le 31 juillet 2019. Par La rédaction de Books.
Dans Les Faussaires de Manhattan, l’actrice américaine Melissa McCarthy incarne Lee Israel, une auteure new-yorkaise décédée en 2014 qui, à la fin de sa carrière dans les années 1990, s’était spécialisée dans le vol et la contrefaçon de lettres d’écrivains et d’acteurs célèbres.
La correspondance de personnalités ou d’anonymes garde quelque chose de fascinant par sa capacité à démontrer notre humanité et nos émotions communes, note le journaliste britannique Simon Garfield. Il ouvre To the Letter, son voyage dans l’histoire des lettres, par le récit de la découverte dans les années 1970 de tablettes en bois dans un fort romain sur le mur d’Hadrien. Ces petites missives portent des messages sans âge : une mère envoyant des chaussettes à son fils en garnison, une demande d’argent, les récriminations d’un expéditeur qui trouve son correspondant trop lent à répondre. Mais les lettres peuvent aussi nous rappeler brutalement nos différences. Dans l’un des courriers les plus anciens qui nous soient parvenus de la Grèce Antique, un mari écrit à sa femme enceinte : « Si c’est un garçon qu’il vive, si c’est une fille débarrasse toi s’en ».
Les lettres ont joué un rôle irremplaçable dans notre culture, assure Garfield. Elles nous font voyager dans le temps, font revivre les lieux, les personnes d’une manière sans égale. Elles sont une source historique irremplaçable. Quand Pline le jeune décrit dans une lettre l’éruption du Vésuve qui détruit Pompéi, les habitants paniqués tenant des oreillers sur leur tête, il n’imagine pas la valeur de son témoignage aujourd’hui. Cette relation personnelle des événements est aussi indispensable que les récits officiels, rappelle Garfield.
Par ailleurs, « écrire des lettres libère une gamme d’émotions humaines plus étendue que toute autre forme de communication, hormis l’art et le roman », ajoute-t-il. Les lettres de Pétrarque sont sept siècles après leur composition toujours un délice. Et même pas besoin d’écrire des pages et des pages pour retenir l’attention. La poétesse Emily Dickinson, juste avant sa mort, envoie à ses cousines ce mot aussi bref qu’émouvant : « Petites cousines, j’ai été rappelée. Emily ». Mais la palme de la brièveté revient certainement à Victor Hugo. Impatient de savoir ce que le public anglais pense de ses Misérables, il transmet à ses éditeurs un simple « ? », auxquels ils répondent : « ! ».
À lire aussi dans Books : Chère correspondance, janvier 2014.