Publié dans le magazine Books n° 97, mai 2019. Par Olivier Postel-Vinay.
L’histoire le montre : les écarts entre riches et pauvres ne se comblent qu’à la suite de l’effondrement d’un État, d’une pandémie, d’une révolution sanglante ou d’une grande guerre. Le meilleur exemple est celui des deux derniers conflits mondiaux.
Walter Scheidel est un spécialiste autrichien de l’histoire ancienne. Il enseigne à l’université de Stanford, en Californie. The Science of Roman History (Princeton University Press, 2018) est son dernier ouvrage paru aux États-Unis.
Vous estimez que, dans l’histoire, seuls les moments de grande violence ont rendu les sociétés plus égalitaires. Vous identifiez ce que vous appelez « les quatre cavaliers du nivellement », en référence à l’Apocalypse. Dans le monde antique, les deux premiers étaient l’effondrement de l’État et la pandémie. Nous rencontrons les deux autres cavaliers essentiellement au XXe siècle : la révolution et la guerre de masse. Commençons par le dernier, que vous analysez longuement. Comment opère-t-il ?
Au cours des deux guerres mondiales, d’énormes dégâts matériels, une fiscalité confiscatoire, une forte intervention des pouvoirs publics dans l’économie, l’inflation et la désorganisation des échanges et des flux de capitaux ont réduit à néant le patrimoine des élites et contribué à une redistribution massive des ressources. En France, un tiers du patrimoine national a été détruit pendant et après...