Le Monopoly était un jeu anticapitaliste
Publié le 19 avril 2018. Par La rédaction de Books.
Dans Game Night, cette semaine au cinéma, une partie de jeu de société grandeur nature tourne au grand n’importe quoi. Le destin du Monopoly n’est pas moins étrange, si l’on en croit la « biographie » du jeu écrite par la journaliste Mary Pilon. Car l’histoire officielle glissée dans les boîtes de Monopoly n’est qu’une fable. Charles Darrow, commercial au chômage pendant la Grande dépression, n’a pas inventé ce jeu, et d’ailleurs le Monopoly n’est pas un jeu capitaliste.
Elizabeth Magie, sténographe née en 1866, dépose en 1904 le brevet du Landlord’s Game (Le jeu du bailleur). Elle veut qu’il reflète des valeurs progressistes. Autour d’un plateau carré, des cases représentent des sociétés de distribution d’eau et d’électricité, une autre invite à se rendre en prison. Les joueurs se voient attribuer un salaire, paient des taxes et le gagnant est celui qui contrarie le mieux les plans du bailleur pour l’envoyer à l’hospice. Magie ne vend pas autant de boîtes qu’elle aimerait, mais son jeu plaît, notamment aux socialistes et aux Quakers, qui produisent leurs propres copies.
Charles Darrow se voit offrir une de ces versions « maison ». Il convainc un ami dessinateur de lui donner une nouvelle apparence pour le commercialiser. Au passage, les principes du jeu de Magie sont perdus. « Beaucoup des symboles dans la version de Darrow, (un homme derrière les barreaux, les gares, la collecte d’argent sur la case départ) peuvent être compris comme une appréciation positive du capitalisme, et non une critique comme l’avait souhaité Lizzie Magie trente ans plus tôt », écrit Pilon.
Le jeu de Darrow séduit Parker Brothers, qui en 1935 persuade Magie de leur céder ses droits pour 500$. Elle espère que l’entreprise transformera son « bébé » en une manière populaire de dénoncer le cynisme du système économique américain. Mais ce n’est pas le point de vue de Parker. L’entreprise achète le brevet pour s’assurer une main mise totale sur le jeu, et en profite pour effacer le nom de Magie, celui du dessinateur F. O. Alexander (inventeur de Mr Monopoly), et occulter son origine anticapitaliste.
A lire dans Books : La ville où l’argent monte au ciel, novembre 2015