La face cachée de P. T. Barnum
P.T. Barnum et Tom Thumb/ National Portrait Gallery, Washington
Dans The Greatest Showman, sur les écrans cette semaine, Michael Gracey propose une biographie musicale de la légende américaine du divertissement P.T. Barnum. S’il est connu notamment pour ses spectacles de « monstres de foire » et le cirque qui porte son nom, son grand tour de passe-passe est plus politique. Le professeur d’anglais Benjamin Reiss explique, dans The Showman and the Slave, comment Barnum a réussi à faire oublier son exploitation des Afro-américains.
Son tout premier spectacle en 1835, celui sur lequel il a fondé sa notoriété, consistait à faire monter sur scène une vieille esclave noire. Il présentait Joice Heth comme ayant été la nourrice de George Washington et donc âgée de 161 ans. Le spectacle a duré six mois jusqu’à son décès en janvier 1836. Il a alors exploité sa mort et transformé son autopsie en événement.
Les exhibitions de « monstres » étaient l’un des spectacles de foires les plus populaires de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. C’est sur eux que Barnum misait pour devenir riche. Il jouait pleinement des stéréotypes raciaux.
Il présentait Heth comme une relique vivante de l’Amérique. Son spectacle ressemblait en tous points à un marché d’esclaves, note Reiss : une femme noire réduite au rang d’objet est au centre de l’attention d’un groupe de Blancs. Il a continué à exploiter les préjugés raciaux dans son musée ouvert à New York dans les années 1840. L’une de ses « créatures » était un « homme singe » venant de l’Afrique sauvage. En fait il s’agissait d’un cuisinier noir nommé William Henry Johnson.
Mais quand Barnum s’est présenté en 1865 pour siéger à l’Assemblée du Connecticut, son discours a commencé à changer. Il exprima de la sympathie et même des regrets à propos de l’asservissement des Afro-américains. Et à mesure qu’il devint respectable, il a effacé Joice Heth de sa propre histoire, note Reiss. Ce qui était son premier fait d’armes, son premier succès, s’est transformé en un simple écart de conduite.
A lire aussi dans Books : Les années freak, octobre 2013.