Publié dans le magazine Books n° 77, juin 2016. Par Baptiste Touverey.
Personne, avant Hilary Mantel, n’avait osé faire du trio révolutionnaire formé par Danton, Robespierre et Camille Desmoulins des héros de roman. Mais le culot suffit-il ?
Le 28 juin 1793, trois hommes se retrouvèrent en toute discrétion, à Paris, dans l’arrière-salle d’un café de la rue du Paon. L’un pâle, grave, bien mis, le regard froid ; l’autre énorme, débraillé, le visage vérolé ; le dernier ratatiné, difforme, le teint jaune et les yeux injectés de sang. « Le premier de ces hommes s’appelait Robespierre, le second Danton, le troisième Marat », écrit Victor Hugo. Cette rencontre parfaitement imaginaire entre des personnages bien réels constitue l’un des plus saisissants morceaux de bravoure de son roman
Quatre-vingt-treize. Trois visions, trois incarnations de la Révolution s’y affrontent. Leur dialogue s’étend sur près de vingt pages : des tirades éblouissantes y alternent avec des passes d’armes plus courtes. Le lecteur en redemande, et pourtant il s’agit là d’une digression. L’action principale de Quatre-vingt-treize se déroule au loin, en Vendée, et met en scène des personnages fictifs.
Victor Hugo était à bien des égards l’audace faite plume, mais il attendit d’avoir 70 ans pour oser enfin s’attaquer à la Révolution française et, quand il le fit, il ne...