Publié dans le magazine Books n° 70, novembre 2015.
Au moins 400 000 de nos compatriotes sont partis vivre dans la capitale britannique ces dernières années, on le sait. Ce que l’on sait moins, c’est que cinq autres vagues d’émigration, au bas mot, ont précédé celle-ci. Pendant des siècles, opprimés et oppresseurs du pays ont trouvé refuge à Londres, parfois en même temps.
Les émigrants qui s’agglutinent à Calais nous apitoient et nous confondent. Pourquoi cet acharnement à passer outre-Manche, malgré les efforts et les risques ? C’est oublier les mérites présumés du refuge de Londres, vers lequel les Français eux aussi ont souvent couru dès qu’une menace, politique ou autre, se profilait. En cinq siècles, les auteurs de cet ouvrage collectif recensent cinq afflux d’exilés de ce type : les huguenots, chassés par la Saint-Barthélemy, et derechef par la révocation de l’édit de Nantes ; les aristocrates fuyant la Révolution ; la gauche française débusquée par la répression de 1848 ; les Communards pourchassés, suivis des anarchistes ; et, enfin, les Français libres rejoignant de Gaulle.
Ironiquement, c’est aussi vers Londres que les oppresseurs, tout juste bannis ou jetés à bas du trône, ont souvent tourné leurs pas : Marie de Médicis, Louis XVIII, Charles X (deux fois réfugié, d’abord comme comte d’Artois puis, brièvement, comme roi déchu), Louis-Philippe et enfin Napoléon III. (Napoléon Ier avait lui aussi réclamé un exil anglais, mais c’est dans le lointain territoire...