Publié dans le magazine Books n° 68, septembre 2015. Par Jonathan Freedland.
Une nouvelle biographie part à la recherche du vrai Marx, au-delà du canon idéologique auquel on l’a trop souvent réduit. En émerge
a figure d’un journaliste qui réagit à chaud aux événements, et dont la pensée n’a pas la cohérence qu’on lui prête.
Le Karl Marx dépeint dans la biographie captivante et extrêmement détaillée de Jonathan Sperber sera d’une familiarité troublante pour quiconque a la moindre accointance avec l’extrême gauche. Voilà un homme qui n’est jamais plus passionné que lorsqu’il attaque son propre camp, qui se débat avec des problèmes d’argent chroniques et continue à dépendre financièrement de ses parents, qui échafaude sans cesse de nouveaux projets destinés à changer le monde, mais est incapable de respecter les délais, et certaines règles d’hygiène personnelle, vivant dans des chambres que certains pourraient qualifier de « bohèmes », d’autres de franchement sordides. Un homme, enfin, qui peut faire preuve d’une exaspérante incohérence quand il ne se fourvoie pas dans des luttes théoriques obscures et une abstraction inintelligible.
Cela fait pourtant un choc de se rendre compte que l’homme de gauche par excellence, le père du communisme lui-même, s’inscrit dans un schéma reconnaissable. C’est comme si l’on apprenait que Jésus-Christ avait organisé régulièrement des ventes de charité dans son église locale. Révéré comme...