Cacher la mère en deuil
Publié dans le magazine Books n° 24, juillet-août 2011.
Aux yeux des Grecs de l’Antiquité, la douleur éprouvée par la mère à la mort de son enfant représentait « une passion excessive pour la cité, une menace que le pouvoir masculin tenait à l’écart du rite funéraire pour contenir l’émotion », écrit Monica Menor dans la Revista de libros, à propos de cet ouvrage paru en 1990 en France, qui vient d’être publié en Espagne.
À Athènes, explique l’helléniste Nicole Loraux (décédée en 2003), « le pouvoir politique faisait tout pour confiner la mère en deuil à l’espace intime de la famille », ce dont témoigne « la présence réduite, ou la quasi-absence des femmes lors des funérailles ». Pour comprendre cette crainte du pathos maternel, l’auteur fait un détour par la littérature, et montre comment s’est formée la figure mythique d’une mère qui, « blessée dans sa maternité, transforme sa colère en acte de vengeance dirigé contre son mari ». Présent dans de nombreuses tragédies, ce thème a fini par « associer au deuil maternel l’idée d’une menace, dans l’espace public comme dans...