Ce XIXe siècle qui nous attend

Au début du XIXe siècle, Hans, voyageur énigmatique, s’arrête dans la bourgade allemande de Wandenbourg, aux confins des royaumes de Saxe et de Prusse. Il prévoit de n’y passer qu’une seule nuit, mais, le lendemain, en se promenant sur la place du marché, il se laisse émouvoir par un lied de Schubert joué par un musicien sur son orgue de Barbarie. S’approchant de l’insolite personnage pour lui faire l’aumône, il engage une conversation qui changera à jamais son destin…

Au début du XIXe siècle, Hans, voyageur énigmatique, s’arrête dans la bourgade allemande de Wandenbourg, aux confins des royaumes de Saxe et de Prusse. Il prévoit de n’y passer qu’une seule nuit, mais, le lendemain, en se promenant sur la place du marché, il se laisse émouvoir par un lied de Schubert joué par un musicien sur son orgue de Barbarie. S’approchant de l’insolite personnage pour lui faire l’aumône, il engage une conversation qui changera à jamais son destin. Jour après jour, Hans voit sa résidence dans cette ville labyrinthique, dont il semble impossible de sortir, se prolonger un peu plus. Bientôt, il rencontre tous les représentants de la bourgeoisie locale, qui le convient au salon littéraire tenu par Sophie, la fille raffinée et non conformiste d’un notable de la ville, dont Hans tombe très vite amoureux. Là, la bonne société se répand en rumeurs et frivolités, débat des postulats kantiens sur la paix perpétuelle, discute des idées de Fichte, des ouvrages de Novalis et Schiller.

Une profonde crise identitaire

Avec Le Voyageur du siècle, lauréat en 2009 du prix espagnol Alfaguara, le jeune écrivain argentin Andrés Neuman propose « une ambitieuse expérience littéraire », analyse Silvina Friera dans les colonnes de Página 12 : relire le XIXe siècle avec les yeux du XXIe. Par le biais des discussions tenues par les personnages, « Neuman exhume tous les conflits de l’Europe postnapoléonienne, à l’époque de la Restauration et de la Sainte-Alliance promue par le comte de Metternich. Il offre aussi une interprétation postmoderne du romantisme allemand, revient sur les origines du roman ». « Le Vieux Continent traversait à l’époque une profonde crise identitaire, qui a abouti au retour de valeurs conservatrices et de réflexes défensifs – exactement comme aujourd’hui, déclarait l’auteur au quotidien argentin. Le parallèle est frappant : une fois que Napoléon a échoué dans son entreprise aussi novatrice et révolutionnaire qu’autoritaire et impérialiste, il s’est produit un vide moral, une perte des valeurs, qu’est venu combler le conservatisme le plus atroce. »
« Tout à la fois roman historique, histoire d’amour et réflexion sur l’éducation sentimentale d’aujourd’hui, sur l’identité, la pluralité des cultures et les nationalismes, l’ouvrage d’Andrès Neuman fait aussi la chronique d’un temps où quelques intellectuelles allemandes lancèrent la lutte pour l’émancipation des femmes », conclut Miguel Ángel Villena dans les pages du quotidien espagnol El País. Ainsi le personnage de Sophie rend-il hommage à la première romancière professionnelle d’Allemagne, Sophie Mereau.

« J’ai conçu Le Voyageur du siècle comme un roman futuriste, mais dont l’action se déroule dans le passé », a déclaré l’auteur de 34 ans, dont le Chilien Roberto Bolaño disait, peu avant sa mort : « La littérature du XXIe siècle lui appartiendra, à Neuman et à quelques autres, ses frères de sang ».

LE LIVRE
LE LIVRE

Le Voyageur du siècle, Fayard

ARTICLE ISSU DU N°25

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