Publié dans le magazine Books n° 50, janvier 2014. Par Fareed Zakaria.
Dans un inédit posthume, la « Sultane » assassinée propose une brillante interprétation de l’islam, mais passe un peu vite sur ses échecs et le soutien aux talibans du Pakistan qu’elle gouvernait.
Il faut se représenter la scène. Nous sommes le 2 décembre 1988. Une belle femme de 35 ans pénètre dans le palais présidentiel d’Islamabad, la capitale du Pakistan. Des hommes portant turban l’entourent, membres en livrée de sa garde d’honneur. Elle est vêtue d’une tunique de soie verte ; une fine étoffe blanche recouvre à peine ses cheveux. Cette femme parle un ourdou et un anglais parfaits – cet anglais qu’elle a perfectionné dans les meilleures universités, Radcliffe d’abord, puis Oxford, où elle a présidé la prestigieuse Oxford Union. Intelligente, cultivée, et incroyablement charismatique, elle est sur le point de prêter serment et devenir la première femme à diriger un pays musulman moderne.
L’idée que l’on se fait de Benazir Bhutto a toujours été plus forte que la réalité. Pour nombre de ses admirateurs en Occident, elle était le progressisme incarné. Mais la femme assassinée lors d’un meeting électoral en décembre 2007, à Rawalpindi, près d’Islamabad, était aussi l’héritière de l’une des plus vieilles familles féodales du Sind. L’étendue des terres possédées par...