Publié dans le magazine Books n° 59, novembre 2014. Par Elke Schmitter.
Dans son dernier essai, le philosophe Peter Sloterdijk s’en prend en vrac à Madame de Pompadour, Staline et Jésus. Leur faute ? Avoir rompu avec la tradition.
Vers la fin des années 1860, un jeune garçon penche son tendre visage sur un cahier et y examine un arbre généalogique. Tout en bas, il lit son propre nom : « Justus, Johann, Kaspar, né le 15 avril 1861 ». Le garçon « laissa une nouvelle fois glisser ses yeux sur tout ce fourmillement généalogique : et là, l’air imperturbable et avec un insouciant scrupule, mécaniquement et comme en rêve, il traça, de sa plume d’or, une belle rature toute nette à travers la page ».
Il s’agit de Johann Buddenbrook, l’enfant à la fin tragique du roman de Thomas Mann
Les Buddenbrook, plus connu sous le diminutif de « Hanno ». Avec cette rature, il rompt avec la vie qu’on lui destinait. Le dernier nom de cet arbre restera le sien. Ce rejeton d’une puissante dynastie de négociants a choisi de n’être pas un digne héritier.
Peter Sloterdijk traite précisément de ces fils et de ces filles récalcitrants dans son nouveau livre – qu’il s’agisse de personnages fictifs comme Hanno Buddenbrook, d’hommes réels mais à la dimension légendaire comme Jésus ou de personnages...