Publié dans le magazine Books n° 18, décembre 2010 - janvier 2011. Par Jon-Kris Mason.
Voici un peu moins de mille ans, les Normands conquéraient l’Angleterre, imposant le français comme langue de l’administration. Depuis, malgré de vives réactions, l’anglais a continué de se franciser, par vagues successives. On l’ignore souvent, de part et d’autre de la Manche : plus de 80 % des mots anglais sont d’origine française ou latine !
Pour nous autres Anglais, la conquête normande n’a presque aucun secret. Nous sommes fiers d’y voir le dernier exemple d’invasion réussie de l’Angleterre. La date emblématique, 1066, a coulé dans le lait de notre mère. Bouche bée, le souffle coupé, les enfants continuent de se voir raconter, à la maison ou en voyage scolaire à Bayeux, l’histoire du roi anglo-saxon Harold, tué d’une flèche dans l’œil à la bataille de Hastings (1). Mais même si la psyché anglaise a intégré dans son subconscient l’idée que le féodalisme et une classe dirigeante francophone – clergé, noblesse, marchands et administrateurs – sont alors venus se superposer à la société anglo-saxonne, la question linguistique reste, elle, curieusement camouflée. Personne ne reconnaît vraiment – chuchotez-le ! – qu’autrefois les Anglais parlaient français.
Et de fait, c’est toujours le cas. Telle est la thèse du livre de Thora van Male,
Liaisons généreuses, qui observe avec un humour irrévérencieux et pince-sans-rire « la prodigieuse influence de la langue française sur l’anglais ». Van Male s’intéresse tout particulièrement aux emprunts de vocabulaire, plutôt...