Publié dans le magazine Books n° 51, février 2014. Par Baptiste Touverey.
Certes, la société romaine était au quotidien beaucoup plus violente que la nôtre, et impitoyable envers l’ennemi. Mais la réputation de cruauté que la vulgate prête aux empereurs est héritée de récits très imaginatifs, forgés par les historiens de l’époque à des fins de pure propagande. Même la boucherie dont les arènes étaient le théâtre doit être relativisée.
Martin Zimmermann est historien de l’Antiquité et enseigne à l’université de Munich. Il s’intéresse aux questions de la violence et de la propagande dans l’Antiquité, ainsi qu’à l’histoire de l’Asie Mineure.
Au début de votre ouvrage, vous mentionnez l’œuvre de Norbert Elias La Civilisation des mœurs. Pensez-vous, comme lui, que la violence a eu tendance à diminuer au fil des siècles ?
On constate effectivement une tendance à davantage de contrôle à l’époque moderne. Le monopole de la violence par l’État s’est imposé dans la plupart des pays. Quand on considère l’histoire à plus long terme, cependant, il est permis d’être sceptique. Contrairement à ce qu’a pu suggérer un émule d’Elias comme Steven Pinker (1), on ne constate pas une diminution relative du nombre de morts – notamment parce que nous ne disposons pas de chiffres fiables concernant les époques reculées. Et, malgré le progrès apparent des derniers siècles, de brutales régressions restent toujours possibles, comme nous l’a prouvé le XXe siècle, qui a porté à son apogée la violence...