Publié dans le magazine Books n° 60, décembre 2014. Par John Brewer.
À la fin du XVIIIe siècle, les progrès de la dentisterie parisienne permettent enfin de sourire en montrant ses dents. Une avancée porteuse de bouleversements sociaux et politiques majeurs, mais aussi d’une nouvelle conception de l’émotion.
Voilà un livre merveilleux, charmant et instructif de bout en bout ; une étude à faire se retrousser les lèvres de plaisir. À en juger par cet accessible et éclairant mélange d’histoire médicale, culturelle et politique, mon dentiste arméno-américain de Beverly Hills, avec sa dentition impeccable, son large sourire, son charme ineffable et sa technologie dernier cri (la moins douloureuse également), aurait été tout à son aise dans le Paris de l’Ancien Régime. Le livre de Jones traite des dents et des sourires, des corps et de la culture. Au fil de sa trame habilement tissée, il apparaît clairement que les triomphes de la dentisterie française de la fin du XVIIIe siècle – sa professionnalisation, son engagement en faveur de la bonne conservation des dents et de l’hygiène buccale, son savoir-faire en matière de fabrication et de pose de dentiers – constituèrent un élément crucial dans le processus complexe appelé par lui la « révolution du sourire ». Il fallut attendre que les bouches ouvertes soient en mesure de découvrir de blanches quenottes (ou, à défaut, de blancs dentiers), que l’hygiène dentaire ait dissipé les miasmes de...