L’intraduisible Lévi-Strauss
Publié dans le magazine Books n° 123, janvier-février. Par Baptiste Touverey.
Quand l’essai de Claude Lévi-Strauss La Pensée sauvage fut traduit pour la première fois en anglais, dans les années 1960, ce fut un désastre. Comme le rapporte Francis Gooding dans la London Review of Books, pas moins de trois sommités avaient été mises à contribution : « l’anthropologue Rodney Needham, la philosophe d’Oxford Sybil Wolfram (car Needham n’était pas sûr de pouvoir traiter le contenu philosophique) et le philosophe et anthropologue Ernest Gellner, chargé d’examiner le texte lorsque Wolfram et Lévi-Strauss ne parvenaient pas à se mettre d’accord ». Le résultat fut jugé « exécrable », au point qu’aucun des traducteurs ne voulut mettre son nom sur le livre et que Lévi-Strauss déclara ne pas le reconnaître. On comprend dès lors l’enthousiasme de Gooding devant la nouvelle traduction qui vient de paraître outre-Atlantique d’une œuvre qui reste, selon lui, « l’une des plus formidables, étranges et stimulantes du XXe siècle ». On ne la doit cette fois qu’à l’historien des idées Jeffrey...