La vraie recette de la salade russe
Publié dans le magazine Books n° 67, juillet - août 2015. Par Books.
« Prendre n’importe quelle viande cuite : gibier, veau ou bœuf, ou du poisson bouilli, esturgeon, brochet ou saumon. Ajouter 1 ou 2 betteraves rouges bouillies ou cuites au four, 1 louche de cornichons (le mot français écrit en cyrillique), 1 grand concombre mariné ou fraîchement épluché, 1 hareng, 2 œufs durs, 5 ou 6 lactaires marinés au safran, 1 cuillerée de légumes marinés, 5 ou 6 pommes de terre bouillies en petits morceaux, 2 cuillerées de câpres, 3 cuillerées de choucroute, 1/2 tasse de haricots blancs cuits à l’eau salée, 20 olives dénoyautées.
Couper le tout en petits cubes, ajouter du persil, du sel, du poivre, 1/3 de tasse de vinaigre, 2 cuillerées d’huile d’olive, 1 cuillerée de moutarde préparée et, si vous le souhaitez, 2 ou 3 morceaux de sucre. Mélanger, arranger sur un plat et disposer élégamment par-dessus des tranches de pommes de terre et de betterave. Entourer de persil ou décorer avec de la gelée, du citron et des œufs durs.
Les jours maigres, omettre la viande. »
La première traduction du livre de Molokhovets parut en Allemagne en 1877. La dernière édition, peut-être la vingt-cinquième, date de 1917, à la veille de la Révolution. Elle comprenait plus de 4 000 recettes. L’ouvrage se serait vendu près de 300 000 exemplaires. Il a été dénoncé comme « bourgeois et décadent » par les bolcheviks. La salade russe que nous connaissons est une version simplifiée héritée de l’époque soviétique. Mais Elena Molokhovets connaissait sans doute le livre d’Urbain Dubois et Émile Bernard, La Cuisine classique, publié en deux volumes en 1856. À la page 354, note Christianne Muusers, on y trouve la recette d’une « macédoine russe » qui ressemble beaucoup à la « vinigret » – moins les haricots blancs et la choucroute. Dubois et Bernard ne considéraient pas leur macédoine comme un plat à part entière ; c’était une « garniture froide » destinée à accompagner les plats véritables. Elena Molokhovets est morte en 1918 à Saint-Pétersbourg à l’âge de 86 ou 87 ans.Notes
* Voir son site, Coquinaria.nl