Publié dans le magazine Books n° 100, septembre 2019. Par Dag Herbjørnsrud.
Au fin fond de l’Éthiopie, un contemporain de Descartes expose déjà les grands principes des Lumières : aucune religion n’est plus légitime qu’une autre, les incroyants méritent le respect, il faut penser par soi-même, l’homme et la femme sont égaux dans le mariage, l’esclavage est un déni d’humanité…
À ce qu’on dit, les Lumières ont débuté avec le
Discours de la méthode de René Descartes (1637), se sont poursuivies pendant un siècle et demi avec John Locke, Isaac Newton, David Hume, Voltaire et Kant, avant de prendre fin en 1789 avec la Révolution française, ou peut-être en 1793 avec la Terreur. Toujours est-il que, lorsque Thomas Paine publie
Le Siècle de la raison, en 1794, l’ère des Lumières connaît déjà son crépuscule. Et Napoléon Bonaparte entame son ascension.
Et si ce récit était faux ? Et si les Lumières avaient été le fait de pays et de penseurs passés inaperçus ? Ces questions me hantent depuis que j’ai découvert par hasard l’œuvre du philosophe éthiopien du XVIIe siècle Zara Yaqob
1.
Yaqob naît le 28 août 1599 au sein d’une famille pauvre dans une ferme des alentours d’Aksoum, l’ancienne capitale du royaume du même nom, dans le nord de l’Éthiopie. À l’école, il impressionne ses professeurs, qui l’envoient apprendre pendant quatre ans la rhétorique (
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