Working donne du sens au travail
Publié le 28 août 2015. Par La rédaction de Books.
Charles O'Rear/ US NARA
Dolorès, la serveuse perfectionniste, a pour but de ne pas faire le moindre bruit en posant les assiettes car « quoi qu’on fasse, il faut le faire bien ». Barbara Terwilliger, ancienne dactylo, confie qu’elle aimait, du bout de ses doigts, « faire exister quelque chose qui n’existait pas avant ». Dolorès et Barbara, comme une centaine d’autres salariés, racontent leur travail dans Working. Ce recueil, l’ouvrage culte de Studs Terkel, le pape américain du journalisme radiophonique, a été publié en 1974. Pendant quarante-cinq ans, Terkel a animé chaque jour la même émission et élevé l’écoute au rang d’art. Décédé en 2008, il était « considéré par beaucoup comme le plus grand historien oral des États-Unis », note The Comic Journal. Pour Working, cette grande figure de la gauche radicale avait passé trois ans à enregistrer les récits de cent trente-trois Américains à propos de leur travail. Son livre réunissait près de soixante-dix entretiens ; il s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires aux Etats-Unis.
« Terkel se sert de la discussion sur le travail pour atteindre à ce qu’il y a de plus profond et de plus intime dans la vie des gens, pour comprendre le travail comme Freud le comprenait, le lien le plus solide rattachant l’individu à la réalité », remarquait Marshall Berman dans le New York Times dès 1974. Working montrait que le travail, si ingrat soit-il, n’est pas déshumanisation systématique. La plupart des interviewés « sont capables de mettre du sens et de la beauté dans des activités qui semblent arides et vides. Cette forme de créativité peut être à l’origine d’illusions, elle peut, pour reprendre Rousseau, apprendre à aimer son propre esclavage. Mais, sans cette capacité à créer du sens, la race humaine serait perdue », explique Berman.