Publié dans le magazine Books n° 95, mars 2019. Par Thierry Grillet.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Britannique Wilfred Thesiger entreprend l’expédition de sa vie. Il parcourt la plus vaste étendue de sable de la planète, le Rub al-Khali, à la pointe sud de la péninsule Arabique. Et partage la vie des Bédouins, dont il exalte le mode de vie.
Les hommes extraordinaires ne devraient pas mourir dans leur lit. Achille serait-il devenu un mythe s’il était mort sur sa couche ? Il faut accomplir son exploit et mourir, sinon dans sa jeunesse, du moins bien vite après. Si possible dans un accident – comme T. E. Lawrence (d’Arabie), mort à moto sur une route du Dorset. La mort violente sublime les vies en destins. Sir Wilfred Thesiger, l’auteur du livre culte
Le Désert des déserts (paru en 1959 sous le titre
Arabian Sands), récit de voyage au pays des Bédouins, n’a pas eu cette chance. Il s’est éteint en Angleterre, vieillard quasi aveugle, atteint dans les trois dernières années de sa vie des maladies de Parkinson et d’Alzheimer. Cet homme puissant, résistant à la douleur, qui aurait pu crever de soif ou de faim dans les sables au fin fond de l’Arabie, être tué par une tribu bédouine hostile, finir croqué par l’un des soixante-dix lions qu’il a abattus en Afrique ou éventré par l’un des mille sangliers qu’il a chassés dans les marais d’Irak, a...