Publié dans le magazine Books n° 80, novembre - décembre 2016. Par Myles Burnyeat.
Pourquoi l’assemblée d’Athènes a-t-elle condamné Socrate à mort ? Pour son impiété, comme elle l’a prétendu ? Ou pour avoir trahi la cité en restant chez lui durant la tyrannie des Trente, au lieu de protester et de quitter la ville ? C’est la conviction du journaliste américain I. F. Stone. Mais le « philosophe de la rue » a peut-être surtout eu le tort de réinventer totalement la volonté divine.
Le livre d’I. F. Stone pourrait nous apparaître comme l’attaque la plus immodérée jamais dirigée contre Socrate depuis son procès et sa condamnation en 399 av. J.-C. Ce serait une grave erreur. L’ire de Stone n’a rien d’immodéré. Elle vient de sa dévotion pour l’Athènes antique, berceau de la liberté, de la démocratie, de l’amour de la justice et de la vérité. Ces valeurs sont celles pour lesquelles Stone lui-même s’est battu, en notre nom à tous.
Le livre s’ouvre sur un cri de douleur : « Comment le procès de Socrate a-t-il pu avoir lieu dans une société aussi libre que la société athénienne ? Comment Athènes a-t-elle pu se trahir à ce point ? »
La douleur subsiste à la fin : « Je ne pouvais pas défendre le verdict quand j’ai commencé et je ne le peux toujours pas. Mais j’ai voulu découvrir ce que Platon ne nous dit pas, donner la version athénienne de l’histoire, nuancer le crime commis par la cité et ainsi effacer une partie des stigmates laissés par le procès...