Le vote blanc peut-il sauver la démocratie ?
Publié le 28 mars 2017. Par La rédaction de Books.
Il est le douzième candidat de cette élection présidentielle et le seul à être 100% certain de ne pas gagner. Le vote blanc reste une option dans l’isoloir. Dans La Lucidité paru en 2004, le prix Nobel de littérature José Saramago (décédé en 2010) l’imagine en grand vainqueur d’un scrutin local. Le roman s’ouvre par un jour d’élection pluvieux dans la capitale d’un pays non cité. Les bureaux de vote sont déserts et les autorités redoutent un faible taux de participation. Les électeurs font finalement leur devoir et en nombre même. Mais lors du dépouillement, c’est la douche froide : plus de 70% des bulletins sont blancs. Les autorités sont sonnées. Comme le prévoit la constitution, elles organisent un deuxième scrutin une semaine plus tard. Cette fois, 83% des bulletins sont blancs.
Et c’est la panique. Pas dans les rues de la ville, non. Mais au sein du gouvernement. Il fustige un acte terroriste atteignant « au plein cœur le fondement de la démocratie comme jamais aucun système totalitaire n’avait réussi à le faire jusqu’à présent ». Et avec l’assentiment de la presse, les autorités tentent par tous les moyens d’éviter que l’épidémie de vote blanc ne s’étende au reste du pays. Elles déclarent l’état d’urgence dans la capitale, puis l’état de siège, avant de fuir la ville. Les habitants, eux, s’organisent. Les femmes sortent balayer dans la rue, les employés en grève retournent travailler. Une nouvelle solidarité naît. Mais le roman finit mal.
Saramago dénonce derrière le rituel électoral les faux-semblants de la démocratie représentative. En créant une crise de légitimité, il la pousse à se révéler autoritaire. Une position qui, lors de la publication du livre au Portugal, a suscité de vives réactions. Saramago a dû se défendre de promouvoir le vote blanc ou de prôner la destruction de la démocratie. Et de rappeler le message de ses citoyens fictifs : « Ce que vous nous proposez n’est pas suffisant, il faut inventer autre chose. Et de grâce, sauvons la démocratie ! »
A lire aussi : Pourquoi voter?, Books, avril 2012.