Publié dans le magazine Books n° 81, janvier / février 2017. Par Owen Hatherley.
La mondialisation, et plus encore l’avènement de l’économie immatérielle, rebattent les cartes de la pensée marxiste traditionnelle. Les conditions de la fin du capitalisme seraient enfin réunies. Nourrie par un bel optimisme technologique, la critique des vaches sacrées de la gauche et de la « politique folklorique » ouvre la voie à un nouvel avenir radieux, fondé sur le Revenu universel garanti.
Deux livres récents défendent des idées qui semblaient avoir disparu de la pensée de gauche depuis la fin des années 1960 : l’optimisme technologique, le futurisme, la conception de programmes et la formulation de revendications. Toutes choses qui rompent avec la simple posture de témoignage consistant à manifester. Leurs auteurs utilisent l’expression curieusement neutre de « postcapitalisme » pour désigner l’alternative qu’ils dessinent, de préférence à « socialisme », « social-démocratie », « communisme » ou « anarchisme », mots à leurs yeux entachés, d’une manière ou d’une autre.
Dans « Inventer l’avenir » (1), Nick Srnicek et Alex Williams rejettent quasiment tout ce que la gauche euro-américaine a pensé et fait depuis 1968, sauf la reconnaissance quelque peu convenue de l’importance de l’ « intersectionnalité » sexuelle et raciale (2). Ils n’en ont pas après la politique de défense des identités, habituelle bête noire des militants de gauche pour qui « tout a mal tourné dans les années 1960 ». Ils s’indignent de l’abandon de la croyance en la possibilité, et la nécessité, d’une société proposant un au-delà du capitalisme. « Depuis les prédictions sur l’avènement d’un...