Publié dans le magazine Books n° 100, septembre 2019. Par Mikkel Borch-Jacobsen.
Science parallèle, la psychanalyse s’est imposée comme une « peste », disait Freud lui-même. C’est qu’elle fait dire à l’inconscient ce que chacune de ses clientèles veut bien entendre. Et désarme les meilleurs esprits en brandissant l’arme de la « résistance ».
Dans les interminables « guerres freudiennes » qui opposent défenseurs et détracteurs de la psychanalyse, les premiers invoquent le plus souvent son succès et sa longévité : « Si les théories de Freud sont aussi fausses et absurdes que vous le dites, comment expliquez-vous qu’elles aient eu un tel impact sur la culture occidentale, de la psychiatrie et la psychologie à la pédagogie en passant par la sexologie, la philosophie, les sciences humaines, les arts, la littérature ? » En réponse à
The Freud Files, un livre retraçant la façon dont Freud avait délibérément effacé de ses récapitulations historiques les nombreuses critiques qui lui étaient faites à l’époque, l’historien et philosophe britannique John Forrester objectait ainsi qu’une bonne histoire de la psychanalyse devrait au contraire « se sentir obligée de rendre compte des réactions non seulement critiques mais aussi enthousiastes à l’égard de Freud. Autrement, il n’y a pas moyen de comprendre que tant de personnalités éminentes, d’Einstein à Russell, de W. H. Auden à Philip Roth, aient considéré Freud comme une figure d’importance historique mondiale. […] La vraie question historique est celle-ci : pourquoi, en...