Publié dans le magazine Books n° 102, novembre 2019. Par Ezekiel J. Emanuel.
Au-delà d’un certain âge, la vie ne vaut plus la peine d’être vécue, estime un cancérologue et bioéthicien de renom. Car, sauf exception, nous sommes diminués physiquement et intellectuellement, nous n’apportons plus rien à la société et sommes un fardeau pour nos proches.
Soixante-quinze. Je ne souhaite pas vivre au-delà de 75 ans. Ce souhait rend mes filles dingues. Il rend mes frères dingues. Mes amis me prennent pour un dingue. Ils croient que je ne pense pas vraiment ce que je dis, que je n’ai pas bien réfléchi à la question, parce qu’il y a tant à voir ou à faire dans le monde. Pour m’en convaincre, ils m’énumèrent tous les gens que je connais qui ont plus de 75 ans et se portent bien. Ils sont convaincus que, quand j’approcherai des 75 ans, je repousserai cette limite d’âge à 80, puis à 85, peut-être même à 90.
Je maintiens ma position. La mort est une perte, c’est sûr. Elle nous prive d’expériences et de grands moments, de temps passé avec notre conjoint et nos enfants. Elle nous prive de tout ce à quoi nous attachons de la valeur
1.
Mais voici une vérité simple que beaucoup d’entre nous ne veulent visiblement pas admettre : vivre trop longtemps est aussi une perte. Nous sommes nombreux à nous retrouver sinon infirmes du moins diminués, sur le déclin – dans un état qui n’est peut-ê...