Publié dans le magazine Books n° 18, décembre 2010 - janvier 2011. Par Mario Vargas Llosa.
La culture est devenue un fantôme insaisissable. Aussi discréditée que la notion de beauté, elle est victime du politiquement correct et d’un égalitarisme simplet nourri d’anthropologie et de sociologie. Peut-elle s’en remettre ?
La notion de culture a pris, au fil de l’histoire, des sens et des nuances différents. Pendant des siècles, le concept fut lié à la religion et au savoir théologique ; en Grèce, il fut marqué par la philosophie, à Rome par le droit, alors qu’à la Renaissance il fut surtout imprégné par la littérature et les arts. Plus récemment, par exemple au siècle des Lumières, ce sont la science et les grandes découvertes scientifiques qui donnèrent à l’idée de culture son orientation majeure. Mais, en dépit de ces variantes, jusqu’à l’époque qui est la nôtre, la culture a toujours désigné un ensemble de principes et de disciplines qui, selon un large consensus social, la constituaient et qu’elle supposait : la revendication d’un patrimoine d’idées, de valeurs et d’œuvres d’art, de connaissances historiques, religieuses, philosophiques et scientifiques en constante évolution, ainsi que la promotion de nouvelles formes artistiques et le développement de la recherche dans tous les champs du savoir.
La culture a toujours établi une distinction sociale entre ceux qui la cultivaient, l’enrichissaient grâce à divers apports, la...