Publié dans le magazine Books n° 41, mars 2013. Par Juan Cruz.
En 1955, un jeune reporter nommé Gabriel García Márquez questionne cent vingt heures durant le survivant d’un naufrage. Il en résulte un reportage haletant, écrit à la première personne. Un chef-d’œuvre donné en exemple à toute la profession.
Faire du journalisme, c’est questionner. Au départ, le lecteur ne sait rien, et le journaliste non plus ; lorsque le journaliste raconte, c’est qu’il a questionné, qu’il a su questionner. L’art de questionner, c’est l’essence même de n’importe quel « livre de style » pouvant fournir des outils aux professionnels du journalisme. Parmi ceux-ci, il existe une œuvre majeure, un monument :
Récit d’un naufragé. Gabriel García Márquez l’a écrit en 1955, alors qu’il n’était encore qu’un tout jeune journaliste, affublé d’une moustache noire de paysan mexicain, au sein de la rédaction dépeuplée du journal de Bogotá
El Espectador.
Juan José Millas, l’un des grands journalistes du monde hispanophone, considérait ce récit du célèbre écrivain colombien comme le meilleur reportage du XXe siècle. Il devint un livre, publié en 1970, parce que quelqu’un avait dit à García Márquez que l’heure était venue pour ce bijou de voyager au lieu de croupir dans les archives. Mais, jusqu’à cette date, ce reportage miraculeux restait enfermé dans l’histoire du journalisme de son pays....