Publié dans le magazine Books n° 50, janvier 2014. Par Ian Hacking.
Jamais on n’a prononcé autant de diagnostics d’autisme. Est-ce l’effet de la prise de conscience qu’ont imposée les parents et les scientifiques à la société tout entière, ou d’un environnement plus propice à ce handicap du développement ? Nul ne le sait, mais une chose est sûre : la « vogue » de l’autisme a permis une meilleure prise en charge de ce mal mystérieux aux formes multiples. Grâce aux thérapies comportementales et à beaucoup d’amour, certains peuvent s’en sortir.
L’autisme est dévastateur – pour la famille. Quantité de problèmes peuvent affecter un nouveau-né. Certains commencent leur vie dans une grande souffrance, qu’on ne pourra jamais soulager, mais au moins y a-t-il là un enfant, bien présent. Tandis qu’un autiste – je parle ici de l’autisme infantile proprement dit – n’est d’une certaine façon pas présent.
Nobody Nowhere (« personne nulle part »), dit le titre donné par Donna Williams à son autobiographie, parue en 1992 (1). Très souvent en bonne santé physique (bien qu’il existe une forte incidence d’autres problèmes), il – et c’est habituellement « il » – ne répond simplement pas quand on sollicite son attention (2). Ce n’est pas seulement que cet enfant apprend à parler avec des années de retard, et assez mal. C’est qu’il n’a pas d’affect, ne se blottit pas. Obsédé par les objets et leur rangement, il ne semble jamais s’amuser avec ses jouets, et ne joue assurément jamais avec d’autres petits. Il répète impitoyablement deux ou trois choses que vous avez pu lui dire. Sans comprendre. Et entre dans de violentes colères, mais...