Publié dans le magazine Books n° 48, novembre 2013. Par Jenny Diski.
Est-on forcément une vieille peau qui ne connaît rien à la vie quand, par un bel après-midi tranquille, assise avec un livre au jardin, on devient folle à force de subir la musique de l’ado d’en face ou les hurlements des mômes d’à côté ? Engagée involontaire dans la guerre que se livrent chaque jour un peu plus les avocats du droit au silence et les militants du droit au bruit, une intello s’interroge.
L’avant-dernière fois que j’ai demandé au jeune homme qui habite en face de chez moi de bien vouloir fermer sa fenêtre quand il mettait ses CD, il m’a rétorqué que le niveau sonore autorisé par la loi était de 85 décibels et qu’il ne le dépassait pas. Je n’avais qu’à regarder l’affichage sur son lecteur, et d’ailleurs, tant que j’y étais, ce serait bien que je me « trouve une vie ». Je lui ai signifié que, dans le dédale de ruelles où nous habitons, il fallait faire un tant soit peu attention aux autres, à quoi il a répliqué, depuis sa fenêtre, qu’il se contrefichait du voisinage et des individus qui y vivaient. Lorsque, avec d’autres habitants du quartier, nous nous sommes plaints du bruit qu’il fait à longueur de journée, sa mère nous a expliqué que c’était une bonne chose qu’il ait une passion et puisse l’exprimer.
Dernièrement, alors que j’étais assise au jardin avec un livre, les enfants d’à côté et leurs petits camarades ne cessaient de sauter sur leur nouveau trampoline géant, tout...