S’habitue-t-on à la solitude ? Y a-t-il des gens plus doués que d’autres, comme on dit « doués pour le bonheur » ? Ou des gens plus endurants ? J’ai croisé beaucoup d’écrivains, hommes en général, fiers et forts de leur solitude – pour m’apercevoir que ces ours persuadés d’être superbement seuls retrouvaient chaque soir leur femme et leur dîner, et contemplaient l’ensemble avec l’affection qu’on porte à quelque chose de chaud, de fiable et de quotidien. On n’est pas seul de rester à sa table toute la journée pour écrire. Ça n’a rien d’un exploit, ni d’une ascèse, c’est même la condition banale et élémentaire de l’écriture. On est seul de ne retrouver personne le soir, on est seul de se réveiller seul – pas forcément physiquement, mais « dans sa tête ». Le sentiment de solitude, tel que le décrivent les trois textes réunis ici, est surtout un effet de l’imagination : être seul n’est pas tant être seul aujourd’hui, c’est redouter d’être encore seul demain. C’est confondre maintenant et à jamais, ce qui est le...