Publié dans le magazine Books n° 14, juillet-août 2010. Par Robert Darden.
Seuls les spirituals offraient aux esclaves la possibilité de rêver. Ils ont mêlé le rythme venu d’Afrique aux cantiques appris des Blancs pour exprimer leur douleur, mais aussi pour exorciser leur condition, voire chanter leur prochaine liberté. Car les spirituals véhiculaient souvent un message codé, allant parfois jusqu’à indiquer les moyens de s’échapper. Bien peu ont été décryptés. Depuis, comme l’avait annoncé Dvorak, ils ont été la principale source d’inspiration des divers courants de la musique américaine, blues, jazz, rock, et jusqu’au rap.
Parmi les plus somptueux des gigantesques cadeaux que l’Afrique a faits au monde, il y a le rythme. Le battement. Le son du bois sur du bois, de la main sur la main. Ce pouls indéfinissable qui fouette le sang et démange les orteils.
C’est le rythme qui régit les plus importantes musiques que l’Amérique ait exportées : le negro spiritual (et, par extension, le gospel (1)), le blues, le jazz et le rock’n’roll.
Mais, d’abord, il fallait inventer les negro spirituals : la religion plus le rythme.
Les
spirituals sont nés en très peu de temps après que les premiers esclaves eurent posé le pied sur le rivage américain [vers 1700] – quelques années, quelques jours peut-être –, invention issue du rythme africain, des chants de travail et des cris échangés par les esclaves dans les champs. Ils donneront le jour au jazz et au blues. Et la musique gospel, sous ses formes modernes, s’est transformée à partir des
spirituals, du blues et, naturellement, du rythme africain. Ce qu’est aujourd’hui le gospel, et ce qu’il devient, est partie inté...