Publié dans le magazine Books n° 86, novembre / décembre 2017. Par Tamsin Shaw.
Les géants d’Internet en sont tous des adeptes. Inaugurée par le psychologue et Nobel d’économie Daniel Kahneman, cette science informe les spécialistes de la manipulation marketing et donne une légitimité à leur entreprise. Mais est-elle aussi solide qu’on le dit ?
Nous ne pouvons plus échapper aux sciences du comportement. Les résultats de la psychologie sociale et de l’économie comportementale sont exploités pour déterminer les informations que nous lisons, les produits que nous achetons, la sphère culturelle et intellectuelle que nous habitons et les réseaux humains auxquels nous appartenons, sur Internet ou dans la vie réelle. Divers aspects de nos sociétés autrefois régis par les habitudes et la tradition ou bien par la spontanéité et le caprice sont désormais les conséquences, voulues ou non, de décisions prises sur la base de théories scientifiques de l’esprit et du bien-être.
Les techniques comportementalistes utilisées par les États et les entreprises n’en appellent pas à notre raison ; elles ne cherchent pas à nous convaincre à l’aide d’informations et d’arguments. Elles modifient nos comportements en sollicitant nos motivations non rationnelles, nos stimulants émotionnels et nos biais cognitifs inconscients. Si les psychologues pouvaient accéder à une compréhension systématique de ces motivations non rationnelles, ils auraient le pouvoir d’influencer les aspects les plus intimes de notre vie et les traits les plus fondamentaux de...