Publié dans le magazine Books n° 23, juin 2011. Par James Le Fanu.
Chaque année, le corps médical américain incite des dizaines de milliers d’hommes à se faire retirer la prostate. Cette opération lourde, aux effets secondaires parfois terribles, est pourtant inutile dans 80 % des cas.
Voilà quelques années que la médecine cherche à étendre son influence au-delà du cercle restreint des malades en diagnostiquant, dans la cohorte infiniment plus nombreuse des bien-portants, des pathologies dont ils ne se savaient pas atteints – et en les traitant. Cette entreprise prend plusieurs formes : l’industrie pharmaceutique aime ainsi à prétendre que la tenson artérielle ou le taux de cholestérol moyen sont « trop élevés », et des millions de personnes prennent toute leur vie des médicaments pour les faire baisser. Il y a aussi le dépistage des cancers du sein ou du col de l’utérus, initiative qui n’est pas entièrement vaine, mais qui coûte cher, suppose une logistique complexe et ne va pas sans susciter beaucoup d’anxiété et des effets secondaires négatifs.
« L’invasion des voleurs de prostate » explique comment cette stratégie de conquête du marché des bien-portants peut totalement dégénérer. Dans cette histoire, tous les vices de la médecine – son apparence de savoir, son refus d’admettre ses erreurs, son aveuglement moral et sa cupidité – ont conduit à une catastrophe médicale d’une ampleur...