Publié dans le magazine Books n° 14, juillet-août 2010. Par Peter Culshaw.
Compositeur de génie, admirateur de Haendel, révéré des plus grands noms de la musique, Fela Kuti était aussi un fumeur invétéré de cannabis, un boulimique sexuel et un opposant politique acharné. Sa véritable guerre du son contre la dictature nigériane lui a valu d’être harcelé, emprisonné et torturé. Bien plus violent que Dylan ou Marley, celui qui s’était autoproclamé le « Président noir » reste la référence de tous les déçus du postcolonialisme.
En août 1972, Paul McCartney était à Lagos. L’idée était d’enregistrer un nouveau disque – le futur
Band on the Run – ailleurs qu’à Abbey Road. EMI avait eu beau proposer ses studios de Rio ou Pékin, l’ancien chanteur des Beatles avait exigé la capitale nigériane, s’imaginant « allongé sur la plage toute la journée à ne rien faire, pour enregistrer la nuit ». Comme il le remarqua avec flegme par la suite, « ça ne s’est pas exactement passé comme ça » : il fit l’expérience d’une agression au couteau, des lépreux dans la rue, des militaires omniprésents, de la corruption et de l’insécurité rampante. Lagos n’en avait pas moins ses charmes. À commencer par la possibilité d’écouter le groupe de Fela Ransome-Kuti, « le meilleur groupe que j’aie jamais vu sur scène », confia-t-il. « Quand Fela et son groupe se sont enfin mis à jouer, après une longue et délirante introduction, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer de joie. C’était une expérience bouleversante. »
Transporté, McCartney envisagea alors d’enregistrer avec certains musiciens de cet extraordinaire brasier de 33 ans. Quand Fela eut...