Publié dans le magazine Books n° 7, juillet-août 2009. Par Dana Goodyear.
C’est de la folie ! Deep Love, « Le ciel d’amour », « Le fil rouge » et bien d’autres romans du genre se sont vendus à des millions d’exemplaires au Japon. Le genre ? Les keitai shousetsu, les romans écrits sur portable. Depuis quelques années, dans une société nippone très corsetée, les jeunes femmes se ruent sur leurs téléphones mobiles ultramodernes pour exprimer et partager leurs états d’âme. Immédiatement postés sur des sites Internet consacrés à cette nouvelle forme d’écriture, leurs romans rencontrent un succès phénoménal, tant les jeunes Japonaises se reconnaissent dans ces héroïnes qui leur ressemblent. Les maisons d’édition les plus sérieuses publient désormais ces ouvrages faciles, faits de phrases courtes, de mots simples et de grands sentiments. Providence du livre ou crépuscule de la littérature ?
Mone était déprimée. C’était l’hiver 2006. Elle avait 21 ans, venait d’abandonner sa formation d’esthéticienne et de se marier avec son ami d’enfance, qui poursuivait ses études à Tokyo. Pensant qu’un peu de changement pourrait lui faire du bien, elle retourna habiter chez sa mère, dans la bourgade où elle avait grandi. Pendant des semaines, elle resta enfermée dans sa chambre d’enfant, laissant libre cours à sa mélancolie. « Je craquais une allumette et je la regardais se consumer, si vous voyez ce que je veux dire », explique-t-elle. Un jour, à la fin du mois de mars, elle ressortit tous ses albums photos et ses journaux intimes, et décida d’écrire un roman sur sa vie. Recroquevillée sur son lit, elle commença à taper sur les touches de son portable.
Comme un journal intime
Mone envoyait ses textes, depuis son mobile, sur le site de partage de contenus Maho i-Land [« L’île magique »], sans jamais relire ce qu’elle écrivait ou penser à l’intrigue. « Je n’avais aucune idée de comment on faisait et je n’avais pas la force d’y penser. » Elle intitula son histoire <...