Pouvons-nous survivre à la technologie ?
Publié dans le magazine Books n° 110, septembre 2020.
Dans ce texte publié en 1955, au plus fort de la Guerre froide, le mathématicien John von Neumann s’interroge sur le risque de destruction que le progrès technique fait peser sur l’humanité. Et s’essaie à prédire, avec plus ou moins de bonheur, les évolutions futures.
« Les effrayantes possibilités actuelles de guerre nucléaire pourraient laisser la place à d’autres, encore plus redoutables. » Ici en 1992, sur une base de missiles nucléaires des environs de Moscou.
Le « vaste globe lui-même » 1 vit une crise qui mûrit rapidement – une crise que l’on peut attribuer au fait que le cadre dans lequel le progrès technologique doit s’accomplir est à la fois trop étroit et sous-organisé. Pour tenter de cerner cette crise et étudier les possibilités de la résoudre, on ne peut se contenter d’examiner les faits. Il faut aussi se livrer à quelques conjectures. Cette démarche mettra en lumière quelques-unes des évolutions technologiques possibles du prochain quart de siècle.
Pendant la première moitié de notre XXe siècle, la révolution industrielle s’est heurtée dans sa marche à une limite absolue, qui tenait non pas au progrès technique lui-même mais à un facteur de sécurité fondamental. Ce facteur de sécurité, qui avait permis à la révolution industrielle d’avancer entre le milieu du XVIIIe siècle et le début du XXe, était essentiellement une question d’espace vital géographique et politique : un espace toujours plus vaste pour l’exercice des activités...