Sur la pathologie d’Hitler

« Le 10 novembre [1918], un pasteur vint à l’hôpital militaire pour nous faire une petite allocution ; alors nous apprîmes tout. J’étais ému au plus haut point en l’écoutant […] Je ne pus plus y tenir […]. Brusquement la nuit envahit mes yeux, et en tâtonnant et trébuchant je revins au dortoir où je me jetai sur mon lit et enfouis ma tête brûlante sous la couverture et l’oreiller […]. Tout ceci ne s’était-il passé que pour qu’une poignée de criminels pût mettre la main sur le pays ? […] Misérables ! Dépravés ! Criminels ! […] Dans ces nuits naquit en moi la haine, la haine contre les auteurs de cet événement […] Avec le Juif, il n’y a point à pactiser, mais seulement à décider : tout ou rien ! Quant à moi, je décidai de faire de la politique. » C’est ainsi qu’Hitler raconte, dans Mein Kampf, l’effet produit sur lui par l’annonce de l’armistice. Ayant été gazé et touché aux yeux, il était en convalescence à l’hôpital de Pasewalk. Beaucoup a été écrit sur la folie d’Hitler. Le psychanalyste Erich Fromm a vu en lui une personne restée au « stade anal » en raison d’un Œdipe non résolu, qui a transféré son désir incestueux à l’égard de sa mère sur l’Allemagne, sa patrie, et transformé son animosité à l’égard de son père en haine des Juifs. Plus sérieusement, trois jeunes universitaires irlandais, reprenant l’ensemble de la littérature sur le sujet, jugent que le diagnostic de schizophrénie paranoïde, décrit par les manuels de psychiatrie, s’applique très bien1. La maladie se caractérise notamment par des « idées délirantes de persécution ou mégalomaniaques, ou les deux, qui d’habitude s’organisent autour d’un thème cohérent. Cette pathologie est le plus souvent associée à l’anxiété, la colère, une attitude hautaine et la quérulence [délire de revendication] ». Ces facteurs « prédisposent l’individu à la violence », les idées de persécution pouvant engendrer un « comportement suicidaire ». La personne manifeste souvent un complexe de supériorité dans les relations interpersonnelles. La schizophrénie paranoïde n’implique pas de déficiences cognitives et « n’empêche pas de très bien fonctionner dans la vie quotidienne ». Les auteurs pensent qu’en apprenant la nouvelle de l’armistice à l’hôpital de Pasewalk, Hitler a été victime d’une véritable hallucination, caractéristique de la schizophrénie.    

Notes

1| Philip Hyland et al., Psychology & Society, 2011, vol. 4 (2).

ARTICLE ISSU DU N°51

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